Petit guide de prononciation pour Sir Gawain and the Green Knight

 Quelques mots sur les graphies de l’édition Everyman de Anderson (qui sert de base à la traduction de Armitage)

 Consonnes

  Les graphies <qu> et <wh> à l’initiale des mots sont globalement interchangeables pour représenter le son w. En effet, certains mots écrits avec <qu> sont liés par allitération à d’autres   commençant par <w> dans le poème. Il s’agit d’une simple variante graphique ici, empruntée à des dialectes globalement plus nordiques où la prononciation était effectivement différente,   quoiqu’il ne soit pas impossible que le choix de <qu> trahisse une prononciation scribale. Quat et quyle doivent donc se prononcer comme what et whyle. Exceptionnellement, le texte   indique <wh> alors que le son est [kw], pour whyssynes (quyssynes, ‘coussins’, v. 877).

  La graphie <gh> a trois prononciations :

  · la semi-consonne [j] (le premier son de yoga) en position intervocalique après une voyelle d’avant : hyghest, yghen….

  · la fricative palatale [ç] (le <ch> du pronom allemand ich) – entre une voyelle d’avant et une consonne

  · la fricative vélaire [x] (la consonne sourde orthographiée <ch> pour la prononciation écossaise de Loch Ness ou le <ch> du mot allemand ach) – après une voyelle d’arrière

  Le <v> à l’initiale pouvait se prononcer comme un [w] pour les mots d’origine française, tout simplement parce que les locuteurs anglophones avaient alors des difficultés à prononcer un

[v] en début de mot, leur langue n’ayant pu, pendant longtemps, n’avoir en cette position que des [w] ou des [f]. Ainsi, au vers 1518, les mots orthographiés wenged, walour et voyded produisent une allitération en [w].

<s> et <z>, dans les terminaisons <-es> ou <-ez>, se prononcent à l’identique et sont des sonores, et donc réalisés [z], la sifflante s’étant voisée en fin de mot dans ce contexte.

Le [r] était roulé devant voyelle et rétroflexe devant consonne ou en fin de mot.

Voyelles

Dans la très grande majorité des cas, et au contraire de l’anglais moderne, les voyelles se prononcent comme elles s’écrivent. Quelques exceptions :

Le <o> graphique peut exceptionnellement représenter le son [u], comme pour wonder (v. 18) : les scribes remplaçaient parfois les <u> par des <o> parce que les <u> avaient tendance à se confondre avec d’autres lettres à jambages, comme <n>, <m>, <v>. Le <o> valant <u> est resté jusqu’à l’époque moderne dans quelques mots : wonder, won, son, love, London, etc.

<u> représente habituellement le son [u], mais il prend la valeur de [y] (le son du français <u> de lune) pour quelques mots : scurtez (v. 171) rudeles (v. 857), hult (v. 1595), wruxled (v. 2191), muryly (v. 2295). C’est un vestige du vieil-anglais, et il y a parfois une confusion entre ce son et celui noté i, dans certains contextes phonologiques : l’arrondissement des lèvres qui distingue les deux sons avait tendance à disparaître.

<i> et <y> sont équivalents. Ainsi, le pronom I avait pour valeur [i :].

Les <e> en fin de mot qui ne sont pas muets sont signalés dans l’édition choisie par un accent aigu (<é>). Sinon, il se réalise soit comme un schwa, soit comme la voyelle d’avant non réduite, [i].

Le moyen anglais possède des voyelles longues et des voyelles brèves. Le scribe de Sir Gawain and the Green Knight les distingue rarement par l’orthographe, si bien qu’il faut souvent s’appuyer sur la prononciation moderne du mot pour voir s’il a subi le Grand Changement Vocalique et donc si sa voyelle était longue. Notons simplement que dans les mots de deux syllabes, la voyelle de la première syllabe (accentuée) est longue si la syllabe se termine par une voyelle, brève si elle se termine par une consonne.

La graphie <ou> correspond souvent au [u:], comme en français (c’est d’ailleurs la graphie française qui a été empruntée par l’anglais), mais il peut aussi s’agir d’une diphtongue [ou] (cf. ci-dessous).

Les diphtongues sont globalement assez transparentes : <ai> correspondait à [aɪ] (la prononciation actuelle du pronom I), <oi> à [oɪ] (comme aujourd’hui), <au> se prononçait [au] et <ow> ou <ou> [ou] (sauf dans les cas où il s’agit d’un [u :], cf. ci-dessus).

<ew> (ou <w>) : On trouve dans le texte, ou non, un <e> entre un <w> et une consonne précédant, comme pour les mots n(e)w et h(e)w, qui sont orthographiés des deux façons. Dans ce contexte d’occurrence, la lettre <w> indique le point d’articulation final d’un son vocalique complexe, une diphtongue, qui part d’une position que tente de représenter le <e> : dans le dialecte concerné, cette diphtongue est vraisemblablement en voie de disparition, se rapprochant ainsi du son [u :], voire se réalisant régulièrement ainsi. Militent pour cette hypothèse la rime entre hewe (v. 1471) et salue (v. 1473) de même que la transcription occasionnelle de ce son par <w>, illustrée par drwry (v. 2449), également orthographié drury (v. 1517).

<w> est de fait occasionnellement utilisé à la place de <u>, valant pour le son [u :].

Versification

Sir Gawain and the Green Knight associe deux traditions : celle de la poésie allitérée, caractéristique du vieil-anglais mais qui a connu un renouveau à l’époque moyen-anglaise, et celle de la poésie scandée et rimée selon le modèle français.

Chaque strophe du poème se compose de deux parties : un corps de vers longs, allitérés, en nombre variable, suivi du bob and wheel (pendeloque et coda/queue), cinq vers courts, rimés. Si aussi bien les vers allitérés que les vers rimés ont de nombreux parallèles dans la poésie moyen-anglaise, leur association sous cette forme est une innovation de l’auteur de ce poème.

Les vers longs

Les vers longs sont des vers bipartis, composés de deux hémistiches. Chaque hémistiche comporte deux accents métriques et un nombre variable de syllabes non accentuées métriquement, mais qui peuvent néanmoins porter un accent de mot. Sans qu’il y ait de règle à ce sujet, le premier hémistiche est souvent plus long que le second.

Une allitération commune unit les deux hémistiches d’un même vers selon des règles fort assouplies par rapport à la norme de ce type de poésie. En théorie, les deux accents du premier hémistiche et le premier accent du second portent sur des syllabes commençant par la même consonne. En pratique, il arrive qu’un seul accent du premier hémistiche ou que les deux accents du second hémistiche portent l’allitération, mais toujours, il y a au moins une syllabe qui allitère dans chaque hémistiche.

Toutes les voyelles allitèrent ensemble, l’attaque vocalique (coup de glotte avant une voyelle au début d’un mot) fonctionnant dans ce système comme une consonne à part entière ; celle-ci peut allitérer avec h, très affaibli à cette époque.

A l’allitération métrique se surimpose parfois :

- un renforcement de l’allitération principale : la même consonne se retrouve hors de l’accent métrique, à l’initiale de syllabes portant un simple accent de mot, voire de syllabes inaccentuées (plusieurs cas dans la première strophe citée ci-dessous, par exemple les deux premiers vers)

- un enrichissement de l’allitération, qui porte sur deux phonèmes successifs, pour l’ensemble du vers ou pour deux des accents seulement (plusieurs cas dans la première strophe, par exemple les troisième et quatrième vers).

- plus rarement, une allitération secondaire qui porte sur une consonne différente (exemple : And spekez of his passage, / and pertly he sayde) (3e strophe du Passus II, V. 544)

Le rythme, assez souple par rapport à celui du vers rimé, obéit à des contraintes complexes que nous ne détaillerons pas ici.

Les vers courts

Le bob and wheel qui clôt la strophe est lui-même composé de deux parties : un vers d’un seul accent, le bob (la pendeloque), et quatre vers de trois accents, le wheel (coda ou queue). Ces vers riment selon le schéma ababa. Leur rythme est iambique.

Le bob interrompt brusquement le rythme de ce qui précède tout en poursuivant la même idée, d’où un effet de surprise. Le wheel, avec son rythme différent, crée une petite vignette permettant une mise en valeur particulière. Il arrive fréquemment que ses vers soient eux aussi allitérés, mais cette allitération n’est en rien obligatoire.

La première strophe du poème

  / : césure entre les deux hémistiches 

  majuscule : syllable portant un accent métrique

  souligné : allitération  

  gras : rime   

  ‘ : place de l’accent métrique dans les vers courts (place devant la syllabe accentuée)

  siþen þe Sege and þe asSaut / watz Sesed at Troye,

  þe borȝ Brittened and Brent / to Brondeȝ and Askez,

  þe Tulk þat þe Trammes / of Tresoun þer Wroȝt

  watz Tried for his Tricherie, / þe Trewest on Erthe:

  hit watz Ennias þe Athel, / and his hIghe Kynde,

  þat siþen dePreced Prouinces, / and Patrounes bicome

  Welneȝe of al þe Wele / in þe West Iles.

  fro riche Romulus to Rome / Ricchis hym Swyþe,

  with gret Bobbaunce þat Burȝe / he Biges vpon Fyrst,

  and Neuenes hit his aune Nome, / as hit Now Hat;

  Tirius to Tuskan / and Teldes biGynnes,

  Langaberde in Lumbardie / Lyftes vp Homes,

  and Fer ouer þe French flod / Felix Brutus

  on mony Bonkkes ful Brode / Bretayn he Settez

  Wyth ‘Wynne, (bob)

  where ‘Werre and ‘Wrake and ‘Wonder (début du wheel)

  bi ‘Syþez hatz ‘Wont þer’Inne,

  and ‘oft Boþe ‘Blysse and ‘Blunder

  ful ‘Skete hatz ‘Skyfted ‘Synne.